L’idée de la revue est de mettre en lumière, depuis le début, la littérature latino-américaine. Et parfois il nous est donné de découvrir des initiatives qui offrent une autre manière de promouvoir cette littérature et partager les coups de cœur. Aujourd’hui nous vous proposons de faire la connaissance de Hispalibox et de sa fondatrice Charlotte qui nous présente son projet.
Charlotte, tout d’abord, peux-tu rapidement te présenter et, en quelques mots, nous présenter ce que propose Hispalibox ?
Je m’appelle Charlotte, je suis passionnée par l’Espagne et l’Amérique latine et, après un parcours universitaire dans ce sens avec une licence et un master LLCER (Langues, Littératures, Civilisations Etrangères et Régionales) Espagnol et plusieurs années passées en librairie, j’ai décidé de lancer Hispalibox.
Il s’agit d’une box littéraire avec ou sans abonnement qui paraît tous les deux mois. L’idée est de proposer un voyage immersif pour découvrir la culture d’une région ou d’un pays hispanophone. Chaque box contient un roman dont l’histoire se déroule en Espagne ou en Amérique latine (au choix en français ou en espagnol) et qui est accompagné de plusieurs éléments. Tout d’abord un mini magazine culturel bilingue pour explorer la littérature, l’histoire, la musique, la géographie ou encore la gastronomie du pays mis en avant. Ensuite une gourmandise traditionnelle provenant du pays pour s’ouvrir à de nouvelles saveurs. Enfin un article de papeterie pour mettre de la couleur dans sa lecture.

Des bonus sont réservés aux abonnés pour leur permettre d’aller encore plus loin dans leur immersion : un e-book culturel regroupant des vidéos, des playlists et des recettes, des fiches de lecture à télécharger ou encore une figurine d’alebrije mexicain.
Donc des livres de langue espagnole (Espagne ou continent latino-américain), disponibles en espagnol ou traduit en français – l’abonné choisit au préalable la langue des box qu’il souhaite recevoir. Comment se déroule la sélection des livres ? Comment choisis-tu les livres ?
C’est mon œil d’ancienne libraire qui entre en action à ce moment-là. Je lis beaucoup et je mets en place de nombreux critères pour faire ma sélection comme l’accessibilité du roman, son intérêt culturel, son style, ses thématiques, etc. Je propose uniquement des livres que j’ai aimés, mais pas forcément des coups de cœur : je prends de la distance avec mes propres goûts pour me mettre à la place des lecteurs. C’est tout l’art du métier de libraire.
Des livres différents personnalisés pour chaque abonné ? Ou travailles-tu une thématique en particulier pour chaque box ?
Le livre est le même pour tout le monde. C’est tout l’intérêt de Hispalibox. À l’inverse des box littéraires classiques dont le principe repose sur le goût des abonnés, ici le concept est avant tout la découverte : de romans méconnus, d’auteurs peu mis en avant et de tout un univers culturel. Chaque box offre une véritable immersion. Mais si jamais le lecteur a déjà lu le livre ou que le thème ne lui plaît pas, il a la possibilité de ne pas recevoir la box et de décaler son abonnement.
Ce projet s’adresse à quel public ? Faut-il une connaissance littéraire ?
Hispalibox s’adresse aussi bien aux passionnés de l’Espagne et de l’Amérique latine qu’aux lecteurs en quête d’évasion et aux curieux qui veulent découvrir, apprendre et voyager.
Une connaissance de la littérature hispanophone n’est pas nécessaire et il ne faut pas non plus être un gros lecteur. Il faut simplement avoir envie de lire et de découvrir de nouvelles choses.
Alors revenons à la genèse, le projet débute en 2023, comment est né ce projet ?
Il est né d’une constatation que j’ai commencé à faire durant mes études : celle du manque de visibilité de l’Espagne et de l’Amérique latine en France, et particulièrement dans le domaine littéraire. Aujourd’hui, seuls 3,6% des livres traduits en français proviennent de l’espagnol, contre 60,7% pour l’anglais. L’espagnol est même seulement la cinquième langue traduite derrière l’anglais, le japonais, l’italien et l’allemand alors qu’elle est paradoxalement la deuxième langue la plus étudiée en France.
C’est par conséquent très difficile de trouver des conseils de lecture, hormis les éternels classiques et les quelques best-sellers contemporains, le choix en librairie est faible, sans parler de la littérature en VO qui est inexistante dans les rayons, réservés à l’anglais. Même en passant par internet, les recommandations sont limitées.
Pendant dix ans, je me suis débrouillée comme j’ai pu pour trouver des livres mais ça m’a beaucoup frustrée. L’idée de faciliter l’accès à cette littérature, et à cette culture de façon générale a germé dans mon esprit, avant de se concrétiser en 2023 avec Hispalibox.
Et d’ailleurs ouvrons un peu le sujet, quelles interactions avec les abonnés à Hispalibox ?
Je suis en contact régulier avec mes abonnés puisqu’au lancement de chaque nouvelle box je leur écris pour savoir s’ils souhaitent la recevoir ou décaler leur abonnement. Beaucoup m’écrivent également sur Instagram. J’essaye de créer le même genre de lien que lorsque je travaillais en librairie. À force je connaissais très bien mes clients et leurs goûts. Avec Hispalibox c’est la même chose. Chaque personne qui passe commande est identifiée, je sais pour qui je prépare chaque box. Ça me paraît important que les gens sachent que c’est une vraie personne qui se cache derrière et non des automatisations en tous sens.
J’imagine que tu dois avoir parfois des retours étonnés de certains choix de la part des abonnés.
Pour être honnête, non. Peut-être que certains timides n’ont pas osé me le dire, mais jusqu’à présent mes lecteurs, qu’ils soient abonnés ou non, m’ont fait d’excellents retours sur les choix des livres, qui leur permettent de découvrir des auteurs et de belles histoires ou des romans vers lesquels ils ne se seraient pas tournés d’eux-mêmes. J’en ai même plusieurs qui m’ont confié avoir repris goût à la lecture, ce qui est, je crois, le compliment ultime pour moi.
As-tu des anecdotes ou des données intéressantes à souligner ?
J’en aurais beaucoup puisque je découvre des choses intéressantes lors de la création de chaque box. D’ailleurs j’essaye de les partager sur les réseaux sociaux, pour prolonger la découverte culturelle, et j’y parle aussi des coulisses. Je voulais simplement souligner le fait que les box sont disponibles dans les deux langues depuis seulement mai dernier, avant je les proposais uniquement en français, et depuis leur lancement, je vends bien plus de box en espagnol. Je suis ravie de voir qu’il y a une vraie demande et que Hispalibox permet d’y répondre.
Comme tu le sais, L’autre Amérique est une revue littéraire, alors creusons cet aspect : comment s’est développé ton goût de la littérature latino-américaine ?
Il a fallu attendre mon Erasmus à Alicante en troisième année de licence. Si j’adorais l’espagnol depuis que j’avais commencé au collège, je ne me sentais pas vraiment attirée par la littérature. Il faut dire que mon bac littéraire m’avait malheureusement un peu dégoutée des livres et il m’a fallu plusieurs années pour y revenir complètement.
J’ai eu à lire Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée de Pablo Neruda dans un cours à Alicante et ça a été une révélation. À mon retour en France, j’ai cherché d’autres romans, et c’est comme ça que tout a véritablement commencé.
Et surtout, puisque la revue cherche à établir des ponts entre le continent latino-américain et la France, que représente pour toi cette littérature ? Tu viens d’évoquer l’origine avec la découverte de Neruda mais aussi tu as découvert d’autres auteurs d’aujourd’hui.
C’est une littérature qui permet de découvrir une autre réalité que la nôtre. Aussi bien par les sujets difficiles qu’elle aborde comme les nombreuses dictatures dont le continent a souffert ou l’émigration vers les États-Unis, que par l’histoire foisonnante de ces pays et la découverte de ces différentes cultures. C’est le cas des littératures du monde entier, mais je suis particulièrement touchée par celle des pays hispanophones, et notamment celle d’Amérique latine. Je ne saurais pas expliquer pourquoi elle fait plus écho en moi que d’autres, mais je suis tout de suite fascinée. Lire ces auteurs, c’est prendre du recul sur notre réalité française, c’est s’ouvrir à d’autres réalités, d’autres façons de voir les choses. Je trouve ça extrêmement enrichissant, et j’aime particulièrement lire les auteurs d’aujourd’hui.
Tu dois lire énormément pour trouver du renouvellement, des livres qui proposent des réflexions différentes. Quels ont été tes récents coups de cœur de lecture ?
Je lis effectivement beaucoup et l’inconvénient c’est que ça m’a fait devenir extrêmement exigeante. Pour que j’attribue le coup de cœur à un livre, il doit vraiment avoir réussi à provoquer quelque chose en moi, à m’émouvoir, à me fasciner ou à me bousculer. Les derniers datent de 2024, c’est pour dire ! Il y a eu Poussière dans le vent de Leonardo Padura, une grande fresque amicale sur la période spéciale des années 90 à Cuba qui m’a subjuguée, la trilogie Inca d’Antoine B. Daniel qui est malheureusement épuisée mais encore trouvable d’occasion et qui est une mine d’or sur l’époque inca lors de l’arrivée des Espagnols. Et il y a aussi eu Une mère d’Alejando Palomas, un petit contemporain qui se passe le soir du Nouvel An à Barcelone et qui a réussi à m’avoir malgré le pitch basique d’un dîner de famille où les règlements de compte vont fuser.
Et si un livre devait t’accompagner partout (ou sur une île déserte) ou celui que tu recommandes à tes amis, ce serait lequel ?
Pour m’accompagner : La maison aux esprits d’Isabel Allende car c’est à mes yeux l’un des meilleurs représentants du réalisme magique et il m’a complètement fascinée. Mais je ne le trouve pas forcément accessible pour le recommander à des amis plutôt novices. Là, mon éternel conseil c’est Le vieux qui lisait des romans d’amour de Luis Sepúlveda car il est court, impactant et reflète vraiment l’âme de la littérature latino-américaine.
As-tu une préférence pour une littérature en particulier ? (Mexique, Argentine, Chili, etc.)
Pas particulièrement, je les aime vraiment toutes.
Dans le projet que tu portes, tu proposes un livre mais aussi tu joins un objet ainsi qu’un fascicule en rapport avec le livre. Peux-tu nous en parler un peu plus ? pourquoi cet aspect culturel ? Et que recèle ce complément littéraire ?
C’est un mini magazine culturel que j’ai vraiment pensé comme une continuité de chaque roman. Lorsqu’on lit de la littérature étrangère, on peut vite ressentir qu’il nous manque des connaissances pour totalement apprécier notre lecture. Ce sont précisément ces connaissances que j’apporte avec le mini magazine. Il ne s’agit pas seulement de lire un roman mais d’en découvrir l’univers et le contexte.
Il est le résultat de nombreuses heures de recherche et de synthèse pour offrir un condensé complet mais accessible. Je le rédige à la fois en français et en espagnol.
Quelle est la box en ce moment ?
En ce moment, je propose aux lecteurs de vivre la magie d’un Noël en Espagne avec une box centrée sur les traditions, les croyances et les légendes des différentes régions grâce au mini magazine (et aussi à l’e-book pour les abonnés).
C’est la première fois que le roman est différent en français et en espagnol, car chacun était épuisé dans une langue et je trouvais ça dommage de passer à côté alors qu’ils ont été deux coups de cœur et qu’ils sont parfaits à lire en cette période de fêtes.
D’un côté, Le plus bel endroit du monde est ici de Francesc Miralles et Care Santos en français. De l’autre Une mère d’Alejandro Palomas en espagnol, dont je vous ai parlé plus haut.
J’y ai ajouté un authentique alfajor, une sorte de roulé à la cannelle emblématique de l’Andalousie, et une carte présentant cinq activités traditionnelles. La magie de Noël peut commencer !

Merci Charlotte, nous souhaitons un beau succès à Hispalibox. Une excellente initiative qui pourrait donner à nos lecteurs des idées nouvelles à Noël pour offrir des surprises littéraires à leurs proches.


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