
Identité, devenir de la mémoire.
Óscar de la Borbolla est un orfèvre des mots. À travers sa prose et ses structures, il crée des mondes alternatifs dont le protagoniste est le langage. Son dernier roman, Pasado cero, traite de la recherche d’identité et de l’impact des souvenirs sur la mémoire : « Ce souvenir est tombé dans sa mémoire comme un morceau de stalactite à la surface d’un lac souterrain, produisant des vagues dont le diamètre s’étendait sans rien rencontrer ».
L’intrigue emporte le lecteur de la première à la dernière page. Le début est percutant et anticipe le fait que nous devrons suivre l’homme oublieux non seulement pour l’accompagner dans son voyage, mais aussi pour découvrir qui il est : « Il ne se souvenait de rien, mais cette silhouette indubitablement féminine qui lui revenait par la fenêtre ne pouvait pas être la sienne. Il ne se sentait pas étourdi, il ne savait tout simplement pas qui il était, et il ne comprenait pas ce qu’il faisait assis là, avec un sac de femme et une mallette en cuir sur les jambes ». Il révélera bientôt que la mallette contient quelques millions d’euros sans lesquels le roman n’aurait pas été possible ou, tout au moins, aurait été invraisemblable, puisque l’argent permet de voyager, de séjourner, de changer de vêtements, de monter dans des taxis, de payer des invitations et même de faire l’amour.
Ce sera l’altérité qui donnera une identité et un nom au personnage de Pasado cero, car comment en avoir une, en effet, lorsqu’on perd la mémoire ? L’auteur nous confronte à l’amnésie, l’antithèse de ce dont souffrait le protagoniste de la nouvelle Funes ou la Mémoire de Jorge Luis Borges, qui était condamné à se souvenir de tout. Dans le roman d’Óscar de la Borbolla, bien que Marcos – le prénom attribué au personnage du roman – n’aille pas jusqu’à vendre son âme à Méphistophélès comme dans le Faust de Goethe, il n’en tente pas moins d’acheter sa misérable identité à un mendiant dans le tunnel de Recoletos, sur la place de Cibeles.
Pasado cero est un livre sur l’importance des souvenirs réels ou inventés et sur leur pertinence, trop de souvenirs pouvant à l’occasion entamer la qualité de notre présent. Óscar de la Borbolla réussit le roman d’un personnage sans nom ni identité propre, façonné par la façon dont les autres le voient et qui lui convient toujours, puisqu’il ne se souvient pas de qui il est. Les expérimentations de l’auteur fonctionnent à merveille dans sa littérature, car le récit ne s’éloigne jamais de la vraisemblance. Face à la prose exquise du présent, qu’importent un nom et un passé. Après tout, n’est-ce pas ce qu’est la littérature, une réalité parallèle ou, autrement dit, une véritable irréalité ?

Pasado cero d’Óscar de la Borbolla
Fondo de Cultura Económica, 2024 [Inédit en français]