
Un voyage dans l’enfance
Les romans d’initiation sont ceux dans lesquels le personnage principal quitte son état d’innocence pour se confronter à la vie d’adulte. Des souffrances du jeune Werther de Goethe au Corps de Stephen King, chacun nous montre à sa manière la façon dont le protagoniste découvre qu’il a vécu dans le monde protégé de l’enfance et qu’il doit maintenant jouir et souffrir en dehors de cet appréciable cocon. Dans le cas du roman de Vilma Fuentes, L’autobus de Mexico, la protagoniste explore non seulement le goût pour l’autre sexe, les trahisons amoureuses, les amitiés qui se transforment en indéfectibles compagnonnages, mais elle nous raconte aussi comment l’ancienne ville de Mexico est en train de laisser derrière elle son passé rural.
D’une certaine manière, ce roman fait de morceaux, de petites chroniques et de lieux différents, nous décrit la manière dont la protagoniste aborde sa nouvelle vie d’adolescente, mais aussi comment l’ancienne capitale du pays se transforme inexorablement en cette énorme métropole cosmopolite et sans limites d’aujourd’hui. Les deux ne sont pas étrangers, car cette sorte d’alter ego de Vilma Fuentes ne se confronte pas seulement au monde des adultes, mais également à ses proches qui avaient jusque-là vécu dans une certaine forme d’abondance, et qui doivent maintenant faire face à un monde qui ne leur est pas favorable.
Au-delà de la capacité de Vilma Fuentes à nous montrer par petites touches les caractères de différentes femmes – tantes, sœurs, soignantes ou religieuses – il convient de souligner sa façon de montrer le désir féminin, ici centré sur des personnages peu recommandables comme des chauffeurs d’une grossièreté évidente, des garçons avec de graves problèmes de comportement, etc.
Et s’il y a un peu de nostalgie pour cette ville de Mexico qui abandonne ses vieux transports tirés par des ânes pour de bruyantes décapotables, il y a aussi une belle description de la façon dont ces vieilles familles se réfugient dans les anciens lieux où leur ascendance a encore une certaine respectabilité, comme Tepoztlán, Chimalistac, San Ángel ou El Pedregal. Ils sont en quelque sorte des réfugiés de cette époque révolue du Porfiriato. C’est pour cette raison que le roman est en grande partie un road trip, un récit en mouvement, la protagoniste ne cesse de se déplacer, à pied ou dans de vrombissantes automobiles.
Vilma Fuentes, ancienne correspondante à Paris du journal mexicain La Jornada, un quotidien national autrefois prestigieux, finira par devenir résidente de la Ville des Lumières. Dans le cas de ce roman, écrit initialement en espagnol, il a d’abord été publié en français, puis en allemand, pour finalement voir le jour en espagnol, au Mexique. Comme si l’histoire de cette vieille famille cherchait d’abord à s’installer dans les vieilles villes de tradition, avant de débarquer dans le Nouveau Monde.

L’autobus de Mexico de Vilma Fuentes
Traduit de l’espagnol (Mexique) par Claude Bleton
Babel, 2008, 240 p. [Calzada de los misterios, Fondo de Cultura Económica (Letras Mexicanas), 2012]