Miguel Bonnefoy, jeune auteur né en France, de mère vénézuélienne et de père chilien, a reçu plusieurs prix dont celui du grand prix du roman de l’Académie française ainsi que le Femina en 2024 pour Le Rêve du Jaguar. Son écriture, riche et foisonnante, nourrie par cet héritage familial et composite puise aussi aux sources de l’imaginaire latino-américain, poétique et magique.
Un vigneron quitte son Jura natal, poussé par la perte de ses vignobles desséchés par le phylloxéra. En quête d’un futur plus prometteur, avec 30 francs en poche et un cep rescapé, il embarque pour la Californie, qu’il n’atteindra jamais car, malade, il sera débarqué à Valparaiso. Ce cep prendra-t-il racine comme lui dans ces terres lointaines ? Un agent de l’émigration change par erreur son patronyme et l’affecte d’un nouveau nom, Lonsonier, confusion avec son lieu d’origine, Lons-le-Saunier. Le récit qui court sur un siècle, de 1873 à 1973, est traversé par l’Histoire, les tranchées de la Guerre de 14 puis la Résistance face au nazisme, jusqu’aux geôles de Pinochet, marquant à jamais les destinées des générations à venir.
Le roman est divisé en chapitres comme autant de portraits et d’histoires extravagantes dans cette lignée familiale où d’autres protagonistes jouent un rôle essentiel tels Aukun, chaman et guérisseur mapuche, Ilario, descendant d’un autre exil, celui des juifs fuyant les pogroms, mais aussi des fantômes du passé. Grâce à l’aide et au soutien de ces protagonistes, cette famille échappe à une vie bourgeoise. Ils ne poursuivent pas des rêves de richesse comme ces communautés venues faire fortune en Amérique latine. Leurs rêves parfois fous, aboutis ou déçus, sont ailleurs, en particulier ceux des femmes qui font fi des conventions sociales, de leur époque et de leur milieu. À chaque génération, un descendant est animé par une passion dévorante, que ce soit la musique, l’ornithologie, l’aviation, le travail et, enfin, l’écriture. Ces passions ont en commun un immense désir de liberté, par-delà les limites et les frontières.
Le roman s’achève sur le retour en France du petit-fils du patriarche âgé de 118 ans, après une équipée héroïque en avion piloté par sa mère au-dessus des Andes. Ce nouvel exil n’est pas sans rappeler le premier, un siècle auparavant. Ce descendant adopte le patronyme de Michel René, personnage mythique qui traverse le roman et qui évoque un autre épisode de l’Histoire, la Commune. Quelle est la part d’Héritage dans son identité, écrivain en devenir ? Si l’exil est souvent synonyme de perte, de souffrance, de déclassement, ne peut-il aussi déboucher au fil du temps sur un enrichissement humain, aboutissement d’un syncrétisme avec d’autres cultures ?

Héritage de Miguel Bonnefoy
Editions Rivages, 2024, 207 p.

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