
« Muito doudo o livro do Sergio Rodrigues. Devorei, gostei demais » (Ce livre est complètement fou. Je l’ai dévoré, adoré) tels sont les mots du grand écrivain et musicien Chico Buarque pour décrire le dernier roman écrit par Sergio Rodrigues, pas encore traduit en français. Après le succès de Dribble (2013), une réflexion subtile sur le football brésilien et la société, Rodrigues s’attaque cette fois à une satire littéraire où l’érudition rencontre la critique sociale.
Dans ce roman, l’auteur nous transporte dans un univers fictif, un « nuage littéraire » où résident les plus grandes figures de la littérature mondiale, dont Machado de Assis, illustre auteur brésilien. Ce dernier apprend avec stupéfaction qu’une professeure de l’UFRJ1, Stella, projette de réécrire ses œuvres afin de les rendre plus accessibles à la société contemporaine. Outré par ce qu’il considère comme une profanation de son art, Machado décide de revenir sur Terre pour confronter Stella et tenter de préserver l’intégrité de ses écrits.
Aux côtés de José de Alencar, autre monument littéraire brésilien, surnommé Jota, Machado découvre un monde moderne en pleine crise identitaire. Les débats sur le genre, la race et les traditions culturelles dominent les discussions, laissant ces deux figures du passé perplexes. Machado, en particulier, est troublé de voir ses œuvres analysées sous le prisme de sa couleur de peau, une considération étrangère à son époque. Ce voyage initiatique, à la fois comique et tragique, devient le prétexte d’une réflexion sur la place de la littérature dans une société en mutation.
Le roman brille par sa capacité à mêler hommage littéraire et satire sociale. Le style de Sergio Rodrigues, riche et volontiers archaïque, évoque la prose du XIXe siècle, rappelant les écrits de Machado de Assis lui-même. Entre sarcasme et ironie, l’auteur questionne la décadence de notre époque, où la lecture semble perdre de sa profondeur au profit d’un accès facilité et d’une compréhension superficielle. La figure de Stella, avec son projet de réécriture des classiques, incarne cette tension entre accessibilité et élitisme littéraire.
Cependant, Rodrigues ne se contente pas de critiquer ; il invite à penser la littérature brésilienne, souvent oubliée selon le narrateur ou reléguée au second plan.
Avec A vida futura, Sergio Rodrigues livre une œuvre audacieuse qui ne laisse pas indifférent. Si certains pourront reprocher son élitisme et sa complexité, d’autres y verront une invitation à redécouvrir la richesse de la littérature brésilienne et à réfléchir aux enjeux culturels de notre époque.
En somme, A vida futura est une lecture exigeante, mais profondément enrichissante, qui mérite de figurer parmi les grandes œuvres contemporaines. Sergio Rodrigues rappelle avec brio que, même dans un monde en mutation, la littérature conserve sa capacité à provoquer, questionner et inspirer.

A Vida Futura de Sérgio Rodrigues
Companhia das Letras, 2022 [Inédit en français]
1 Université fédérale de Rio de Janeiro.